Les
géographes occidentaux ont finalement bien raison d'orienter leur carte routière ou touristique en faisant correspondre le haut de ces cartes avec le nord. En
tout cas, ce choix s'est ancré dans notre cerveau, au point de nous permettre de ne pas nous perdre, comme l'a constaté une équipe allemande de l'Institut
Max-Planckde Tübingen dans la revue Psychological Science mise en ligne le 29
décembre.
En testant
la manière dont les gens se repèrent dans une ville, ces chercheurs ont en
effet remarqué que, si leur tête n'est pas face au nord, les participants font
des erreurs d'orientation. Et cela, qu'ils soient des hommes ou des femmes.
Plus
précisément, vingt-six candidats se promènent virtuellement, grâce à des
casques, dans la vieille ville de Tübingen. Tous sont des habitants de la cité
médiévale depuis au moins deux ans. Une fois reconnu l'endroit de la ville
devant lequel ils se trouvent, les chercheurs leur demandent de pointer à l'aide d'un joystick la direction de trois
lieux plus ou moins éloignés, comme une gare, un carrefour, un cinéma ou un
restaurant. Les temps de réponse et les erreurs éventuelles sont notés ; puis,
virtuellement, la tête des cobayes est tournée de trente degrés, pour une
nouvelle série de questions. Afin de s'assurer que seul l'environnement immédiat sert de
repère, un brouillard artificiel bloque la vue au-delà de quelques maisons. Et
là, surprise, les résultats sont meilleurs si la position de la tête devant un
bâtiment correspond à l'orientation Nord. Autrement dit, pour des Parisiens, on
répondrait mieux aux questions si l'on est face à la gare du Nord que si on l'a
à sa gauche.
RÉFÉRENTS
SPATIAUX
" Nos
résultats ne s'expliquent que si l'on admet que les gens ont en mémoire une
carte des lieux orientée vers le nord ", constate Julia
Frankenstein, de l'Institut Max-Planck. Elle a testé par exemple si les
repères locaux comme une rue ou un square aident à l'orientation, en
positionnant la tête parallèlement à ces éléments. Pour six participants, cela
a diminué leur performance. Exit aussi l'hypothèse qui voudrait que nous ayons
une mémoire liée à nos expériences exploratoires des lieux. Dans ce cas, les
patients auraient dû obtenir des résultats moins bons pour des lieux très
éloignés de la position de départ. Ce qui n'est pas le cas. " Nous
ne disons pas que le cerveau humain se repère seulement grâce à sa mémoire
d'une carte, mais en tout cas c'est très efficace ",
précise Julia Frankenstein. Ceux qui voudraient en déduire que nous avons une boussole dans la tête,
comme les oiseaux migrateurs, en seront aussi pour leurs frais : les cobayes
n'étaient pas orientés dans le laboratoire vers le pôle magnétique.
L'équipe
voudrait désormais tester plus loin son hypothèse, en immergeant des
patients dans une ville inconnue et imaginaire. Un groupe prendrait
connaissance de la carte des lieux avant l'expérience, mais un autre non. " Ces
travaux sont intéressants, car ils se rattachent à des questions fondamentales
sur le codage de la navigation dans le cerveau. Il s'agit de comprendre quels sont les référentiels spatiaux que
nous utilisons. Par exemple pour améliorer les représentations des systèmes de
navigation par GPS, mais aussi pour étudier des pathologies qui peuvent être liées à des désorientations spatiales, telles
l'agoraphobie voire la schizophrénie ", observe Alain
Berthoz, professeur au Collège de France. Mais si les cartes disparaissent
avec le développement des GPS, perdra-t-on le nord ?
Cet
article est issu du supplément Science et techno au journal Le Mondedaté samedi 21 janvier.
David
Larousserie
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