dimanche 22 janvier 2012

Notre carte intérieure est orientée vers le nord


Les géographes occidentaux ont finalement bien raison d'orienter leur carte routière ou touristique en faisant correspondre le haut de ces cartes avec le nord. En tout cas, ce choix s'est ancré dans notre cerveau, au point de nous permettre de ne pas nous perdre, comme l'a constaté une équipe allemande de l'Institut Max-Planckde Tübingen dans la revue Psychological Science mise en ligne le 29 décembre.
En testant la manière dont les gens se repèrent dans une ville, ces chercheurs ont en effet remarqué que, si leur tête n'est pas face au nord, les participants font des erreurs d'orientation. Et cela, qu'ils soient des hommes ou des femmes.
Plus précisément, vingt-six candidats se promènent virtuellement, grâce à des casques, dans la vieille ville de Tübingen. Tous sont des habitants de la cité médiévale depuis au moins deux ans. Une fois reconnu l'endroit de la ville devant lequel ils se trouvent, les chercheurs leur demandent de pointer à l'aide d'un joystick la direction de trois lieux plus ou moins éloignés, comme une gare, un carrefour, un cinéma ou un restaurant. Les temps de réponse et les erreurs éventuelles sont notés ; puis, virtuellement, la tête des cobayes est tournée de trente degrés, pour une nouvelle série de questions. Afin de s'assurer que seul l'environnement immédiat sert de repère, un brouillard artificiel bloque la vue au-delà de quelques maisons. Et là, surprise, les résultats sont meilleurs si la position de la tête devant un bâtiment correspond à l'orientation Nord. Autrement dit, pour des Parisiens, on répondrait mieux aux questions si l'on est face à la gare du Nord que si on l'a à sa gauche.
RÉFÉRENTS SPATIAUX
" Nos résultats ne s'expliquent que si l'on admet que les gens ont en mémoire une carte des lieux orientée vers le nord ", constate Julia Frankenstein, de l'Institut Max-Planck. Elle a testé par exemple si les repères locaux comme une rue ou un square aident à l'orientation, en positionnant la tête parallèlement à ces éléments. Pour six participants, cela a diminué leur performance. Exit aussi l'hypothèse qui voudrait que nous ayons une mémoire liée à nos expériences exploratoires des lieux. Dans ce cas, les patients auraient dû obtenir des résultats moins bons pour des lieux très éloignés de la position de départ. Ce qui n'est pas le cas. " Nous ne disons pas que le cerveau humain se repère seulement grâce à sa mémoire d'une carte, mais en tout cas c'est très efficace ", précise Julia Frankenstein. Ceux qui voudraient en déduire que nous avons une boussole dans la tête, comme les oiseaux migrateurs, en seront aussi pour leurs frais : les cobayes n'étaient pas orientés dans le laboratoire vers le pôle magnétique.
L'équipe voudrait désormais tester plus loin son hypothèse, en immergeant des patients dans une ville inconnue et imaginaire. Un groupe prendrait connaissance de la carte des lieux avant l'expérience, mais un autre non. " Ces travaux sont intéressants, car ils se rattachent à des questions fondamentales sur le codage de la navigation dans le cerveau. Il s'agit de comprendre quels sont les référentiels spatiaux que nous utilisons. Par exemple pour améliorer les représentations des systèmes de navigation par GPS, mais aussi pour étudier des pathologies qui peuvent être liées à des désorientations spatiales, telles l'agoraphobie voire la schizophrénie ", observe Alain Berthoz, professeur au Collège de France. Mais si les cartes disparaissent avec le développement des GPS, perdra-t-on le nord ?
Cet article est issu du supplément Science et techno au journal Le Mondedaté samedi 21 janvier.
David Larousserie

LeMonde.fr

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