Crédits photo : Emmanuelle Charmant / Ektadoc/Emmanuelle Charmant / Ektadoc
La
réduction de la mortalité peut aller jusqu'à 15 % à partir de deux tasses
par jour.
Le café est
la boisson la plus consommée dans le monde après l'eau. Autant dire que des
millions de personnes vont se réjouir des résultats présentés ce jeudi dans le New
England Journal of Medicine, la principale revue internationale de
médecine.
Sur une période
d'un peu plus de treize années, on observe une réduction de mortalité liée à la
consommation de café d'un groupe de 400.000 personnes âgées de 50 à 71 ans. Et
pas des moindres, 10 % de morts en moins à partir de deux tasses par jour,
par rapport au groupe de ceux qui n'en boivent pas. La réduction est même de
15 % pour les femmes.
«Notre étude
peut rassurer les buveurs de café», a confié au Figaro le
Pr Neal Freedman qui a dirigé l'étude pour l'Institut national américain
du cancer, «mais individuellement il faut consulter son médecin pour avoir des
recommandations globales de régime adaptées, notamment sur le café, en
particulier si l'on a des problèmes de santé». Ces résultats ne surprennent pas
le Pr Jean Costentin, membre des Académies de médecine et de pharmacie.
Pour lui qui a dirigé pendant trente ans une unité de recherche de
neuro-psychopharmacologie, «le café est une bonne drogue. C'est une drogue dans
le sens où il y a une addiction. Il y a une dépendance psychique manifeste.
Mais elle est bonne car c'est la seule qui ne perturbe pas le fonctionnement
psychique… avec le tabac, mais on sait la toxicité énorme du tabac pour la
santé. On est plus éveillé, plus dynamique, plus performant».
Pour le
nutritionniste Jean-Paul Blanc, coauteur d'un livre qui passe en revue les
idées reçues sur la nutrition (Les carottes rendent aimables?, First Éditions),
«le café est d'abord un plaisir. Il est sans danger nutritionnel du moment que
l'on n'en abuse pas et que l'on n'est pas dans certaines situations particulières:
femme enceinte, reflux gastro-œsophagien, prise de certains médicaments…». Pas
de café pendant la grossesse donc, mais pas question non plus de recommander le
café pour être en meilleure santé selon le Pr Laurent Chevallier, consultant en
nutrition, praticien attaché au CHU de Montpellier: «Il faut rester prudent car
la torréfaction fait apparaître l'acrylamide, une substance potentiellement
cancérigène chez l'homme».
Le tabac
pris en compte
Seul bémol,
l'étude américaine n'a pas montré de réduction de la mortalité
due au cancer alors qu'il y a en a bien une pour toutes les autres
grandes causes: maladies
cardio-vasculaires et respiratoires, diabète, accidents, infections.
L'étude montre même une tendance à l'augmentation du risque de mortalité par
cancer, non significative statistiquement, pour les hommes qui prennent plus de
5 tasses par jour: «Nous n'avons pas d'explication claire», a indiqué le
Pr Freedman au Figaro.
L'effet noté
par les chercheurs américains a d'autant moins de chances d'être dû au hasard
que les principaux facteurs susceptibles d'influer sur le résultat ont été pris
en compte. En particulier le tabac. En effet, la mauvaise réputation du café
est surtout venue du fait que les buveurs de café sont aussi plus souvent des
fumeurs, donc à risque de santé augmenté. Lorsque l'on n'en tient pas compte on
risque de lui attribuer une augmentation de la mortalité qui vient en réalité
du tabagisme.
D'ailleurs,
le Pr Costentin déconseille le café aux enfants: «Pour ne pas commencer
l'apprentissage de la psychostimulation». Du café à la cocaïne, il y a un grand
pas pour l'homme… mais un petit pour la neuropharmacologie! Il vaudrait donc
mieux attendre d'être bien armé mentalement pour s'y frotter. Enfin le Pr
Freedman invite à ne pas trop s'enthousiasmer sur la base de ses seuls
résultats car rien ne prouve que l'effet observé chez les buveurs de café
persistera pour quelqu'un qui n'en buvait pas et déciderait de se convertir.
Le Figaro.fr