Cela va sans
dire, mais c'est peut-être mieux en le disant. Une nouvelle étude vient
confirmer de manière précise et concrète une série d'éléments connus.
- Des
mannequins se préparent en coulisses du défilé Venezuela se Viste de Moda 2011
en faveur de la lutte contre le sida, à Caracas en février 2011. REUTERS/Carlos
Garcia Rawlins -
Quantifier
le risque infectieux autant que faire se peut. Un groupe de médecins et de
chercheurs américains et africains vient de fournir pour la première fois une
série de données précises et concrètes concernant les risques de contamination
sexuelle du virus du sida entre hommes et femmes.
Leurs
résultats confortent pour l’essentiel les principaux messages de prévention
diffusés depuis l’émergence de cette pandémie. Ils mettent aussi clairement en
lumière le rôle essentiel joué par la charge virale(quantité de
virus présente dans le sang et les liquides biologiques) du partenaire infecté
vis-à-vis de celui qui ne l’est pas.
Corollaire:
ils définissent avec précision les axes de lutte préventive et soulignent
l’importance qu’il faut accorder, parallèlement au préservatif et à la
circoncision, aux traitements antirétroviraux qui permettent de réduire cette
charge et donc le risque de contamination.
Une
nouvelle étape
Ces
résultats, publiés le 12 janvier sur le site du Journal of
Infectious Diseases, confirment une série d’éléments déjà connus. Pour
autant, réunis de manière synthétique à partir d’une seule étude conduite en
Afrique, ils marquent, à leur manière, une nouvelle étape dans la perception
que l’on peut avoir de ce risque infectieux et des stratégies devant être
développées pour réduire le risque de contamination.
Ce travail a
été conduit sous la responsabilité du biostatisticien James P. Hughes
(université de Washington, Fred Hutchinson Cancer Research Center; Seattle).
Les recherches ont été menées en collaboration étroite avec des médecins
hospitalo-universitaires de Johannesburg et de Nairobi ainsi que du Rwanda et
de Zambie. Comme de nombreuses études sur le sida conduites sur le sol
africain, le financement a été assuré par la Fondation Melinda & Bill Gates
ainsi que par les Instituts nationaux américains de la santé.
Les auteurs
rappellent que la connaissance des différents facteurs pouvant jouer un rôle
sur le degré de virulence du VIH est un élément essentiel pour définir ce que
peuvent être les différentes stratégies de lutte contre la pandémie. Ils ont
analysé les données résultant d’une étude prospective conduite sur 3.297
couples homme-femme séro-discordants (un partenaire infecté, l’autre pas) au
moment de leur recrutement. Des prélèvements réguliers ont été effectués pour
mesurer la charge virale des partenaires infectés ainsi que des tests
génétiques pour confirmer le cas échéant la transmission du VIH à son
partenaire. De nombreuses données étaient d’autre part recueillies concernant
le nombre et la fréquence des rapports sexuels, le recours aux préservatifs masculins
ou la pratique de la circoncision. Durant la durée de l’étude, 86
contaminations ont été recensées.
Après
analyse de l’ensemble de leurs données (et en tenant compte de tous les
possibles biais comportementaux et statistiques), les auteurs démontrent de
manière statistique le poids respectif de différents facteurs sur lesquels il
est possible de peser pour réduire le risque de transmission du VIH par voie
sexuelle.
1 cas de
transmission pour 900 actes sexuels
Chez les
personnes infectées, il s’agit du recours au préservatif et du niveau de la
charge virale (à réduire grâce aux antirétroviraux). Chez les partenaires non
infectés, il s’agit du traitement des diverses autres infections sexuelles
(dues à herpes simplex virus 2 et au trichomonas, ulcères génitaux, infections
vaginales ou cervicales) ainsi, chez les hommes, que du recours à la
circoncision; autant de lésions qui correspondent à des taux élevés de
transmission virale.
En pratique,
cette étude conclut (ce ne sont là que des moyennes statistiques) à un taux de
transmission du VIH dans les couples séro-discordants à environ 1 pour 900
actes sexuels.
Plus la
charge virale chez le partenaire infecté est élevée et plus le risque de
transmission est élevé. L’homme infecté apparaît deux fois plus susceptible de
transmettre le VIH qu’une femme séropositive à son partenaire non infecté.
Cette différence semble due à la différence de charge virale entre hommes et
femmes.
L'âge avancé
des partenaires est associé à une transmission réduite par voie sexuelle. La
circoncision masculine réduit en moyenne la transmission d'environ 47%. Enfin
les résultats confirment et rappellent que les préservatifs masculins restent
la meilleure protection contre le VIH avec, dans cette étude une réduction de
78% du nombre de transmissions chez les couples qui y ont le plus fréquemment
recours.
En
France, l'étude Ipergay
Le hasard
veut que cette publication coïncide avec le lancement, en France, d’une
première étude qui concerne le recours aux thérapies antirétrovirales à des fins
non plus thérapeutiques mais préventives.
Un appel à volontaires vient d’être lancé
pour cette étude dénommée Ipergay (Intervention préventive de l'exposition aux
risques avec et pour les gays). Elle se fonde sur le fait que parmi les 6.300
nouveaux cas d’infections par le VIH diagnostiqués annuellement en France, 40%
touchent des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH). Les
dernières enquêtes montrent aussi, dans ce groupe, une augmentation du nombre
moyen de partenaires et de pénétrations anales non protégées.
On sait par
ailleurs que la prise d’un antirétroviral en prophylaxie peut réduire jusqu’à
44% le risque de contamination par le VIH. Seuls deux HSH sur trois déclarent
utiliser un préservatif lors de tous leurs rapports sexuels avec des
partenaires occasionnels. Les participants prendront leur traitement pendant
les périodes d’activité sexuelle, stratégie qui selon les promoteurs «permet
d'éviter les contraintes d'une prise en continu d'antirétroviraux, qui
favoriser ainsi une bonne observance, accroît la responsabilisation, limite les
effets indésirables possibles, ainsi que les coûts».
Faute de
pouvoir, semble-t-il, augmenter la fréquence du recours au préservatif dans la
population la plus directement concernée, les promoteurs de l’Ipergay font
valoir que cet essai dans la population gay et HSH répond bel et bien à «un
impératif de santé publique».
Certains
font ici le parallèle avec le recours (contre le paludisme) aux médicaments
antipaludéens pris à titre préventif le temps du risque d’exposition aux
piqûres d’anophèles infectées par un plasmodium. Ce parallèle peut à bien des
égards être critiqué. Quoi qu’il en soit, c’est la première fois que l’on
développe une telle stratégie médicamenteuse contre une maladie virale
sexuellement transmissible; une maladie contre laquelle on dispose d’un moyen
préventif peu coûteux ayant depuis un quart de siècle amplement fait la preuve
de leur efficacité, dès lors qu’il était utilisé.
Jean-Yves
Nau