Dix
situations de crise à surveiller de près. Et deux espoirs.
uelles situations conflictuelles risquent de se dégrader davantage en 2012? Foreign Policy a demandé à l’International Crisis Group d’évaluer quelles catastrophes anthropiques menacent le monde en ce début d’année. Nous avons mené une réflexion commune et avons trouvé 10 régions en crise suscitant des inquiétudes particulières.
Certes, les
listes ont toujours quelque chose d’arbitraire et celle-ci ne fait pas
exception. Mais elle servira au moins à quelque chose: espérons qu’elle
suscitera le débat. Pourquoi ne pas avoir fait une place au Soudan, où mijote
sans doute une crise aux proportions terrifiantes? Ou aux conflits européens
oubliés —dans le Nord Caucase, par exemple, ou au Haut-Karabagh? Vous
constaterez aussi que nous n’y avons pas inclus certaines crises profondément
dérangeantes et pourtant curieusement peu médiatisées, comme celles du Mexique
ou du nord du Nigeria. Aucune place accordée non plus au solide et éternel
statu quo sur la péninsule coréenne, malgré l’incertitude qui entoure la mort
de Kim Jong-il.
Que le
lecteur n’interprète pas ces omissions comme un signe d’amélioration de la
situation dans ces pays. C’est loin d’être le cas. Mais nous avons jugé utile
de mettre en avant quelques régions qui, à nos yeux, ne méritent pas moins
d’attention. Nous présentons ici notre top 10. À la fin —et juste pour nous
rappeler que le progrès est possible— nous y avons inclus deux pays pour
lesquels nous pensons, tout en restant prudents, que 2012 pourrait commencer
sous de bons auspices.
- Syrie
- Iran/Israël
- Afghanistan
- Pakistan
- Yémen
- Asie
centrale
- Burundi
- République
démoncratique du Congo
- Kenya/Somalie
- Venezuela
SYRIE
Beaucoup en
Syrie comme à l’étranger comptent aujourd’hui sur l’effondrement imminent du
régime et estiment qu’à partir de ce moment-là, tout ne pourra aller que mieux.
La réalité pourrait s’avérer toute autre. La dynamique en Syrie et dans la
communauté internationale se retourne totalement contre le régime, et beaucoup
espèrent que l’impasse sanglante va enfin prendre fin. Mais aussi inévitable
que semble la sortie du président Bachar el-Assad après les terrifiantes
brutalités dont son régime s’est rendu coupable ces derniers mois, les premiers
temps post-Assad comporteront des risques énormes.
D’un côté,
la polarisation communautaire émotionnellement chargée, tout particulièrement
autour de la communauté alaouite, a poussé les supporters du régime à se
braquer car ils estiment qu’il s’agit de «tuer ou d’être tué» —et leurs
craintes de représailles à grande échelle quand Assad tombera sont tout à fait
fondées.
De l’autre
côté, les enjeux stratégiques croissants ont intensifié la compétition
régionale et internationale au sens plus large entre tous les acteurs, qui
voient désormais tous la crise comme l’opportunité historique de faire basculer
de façon décisive la balance des pouvoirs de la région.
Dans ce
mélange explosif, la première source d’inquiétude transfrontalière est sûrement
le Liban: plus l’éviction d’Assad semble imminente, plus le Hezbollah —et ses
soutiens de Téhéran— considèreront la crise syrienne comme une lutte
existentielle destinée à leur asséner un coup décisif, et plus le risque sera
grand qu’ils choisissent de jouer le tout pour tout et envisagent de lancer des
attaques contre Israël pour tenter de modifier radicalement le centre
d’attention. Le terme «baril de poudre» est trop faible pour qualifier la
situation. Le danger est réel que l’un de ces problèmes fasse dérailler ou même
condamne la possibilité d’une transition paisible.
» A
lire aussi: les articles
de Slate.fr sur la Syrie
IRAN/ISRAËL
Même si
l’Iran et Israël parviennent d’une manière ou d’une autre à manœuvrer sans
encombre en évitant les écueils de la crise syrienne, l’hostilité qui règne
entre eux sur la question du nucléaire pourrait les éloigner dangereusement de
leur trajectoire. Bien que les sanctions contre l’Iran et les tentatives
d’intimidation de toutes parts se soient intensifiées fin 2011, certains seront
tentés de n’y voir que la perpétuation des mauvaises relations à
rebondissements entre l’Iran et Israël.
Deux
facteurs font de 2012 un tournant possible vers le pire. Tout d’abord, le
rapport le plus récent de l’Agence internationale de l’énergie atomique est
particulièrement clair: il n’a peut-être pas produit de nouvelles preuves des
intentions de Téhéran de construire une arme nucléaire, mais il souligne plus
clairement que jamais les faux-fuyants de l’Iran et sa mauvaise volonté à
coopérer avec l’organisme international. Ensuite, les élections américaines
vont, encore plus que d’habitude, imposer que soit mis au programme national
américain le soutien à Israël, et ainsi créer une ambiance susceptible de
pousser Israël à agir, ce qui pourra avoir un certain nombre de conséquences
inattendues, involontaires et potentiellement catastrophiques.
AFGHANISTAN
Une décennie
d’aide à grande échelle de la communauté internationale dans les domaines de la
sécurité, du développement et de l’humanitaire n’a pas réussi à créer un
Afghanistan stable, fait souligné par la dégradation du niveau de sécurité et
la présence croissante de l’insurrection dans des provinces autrefois stables
au cours de l’année passée.
En 2011, la
capitale a subi un déluge d’attentats-suicides, dont l’attaque la plus mortelle
qu’ait connue la ville depuis 2001; de nombreuses frappes contre des missions
étrangères à Kaboul, le British Council et l’ambassade des États-Unis et l’assassinat
de l’ancien président et acteur majeur des négociations de paix, Burhanuddin
Rabbani. Les perspectives pour 2012 ne sont pas plus roses, car au début de
l'année, beaucoup de provinces-clés doivent passer sous la férule des forces
afghanes de sécurité bien mal équipées.
La litanie
des obstacles à la paix, ou du moins à la stabilité en Afghanistan, est
maintenant familière. Le président Hamid Karzai gouverne par décret, par un
savant mélange de népotisme et d’abus du pouvoir exécutif. Les institutions
d’État et les services sont faibles ou inexistants dans la plus grande partie
du pays, ou tellement corrompus que les Afghans font tout pour les éviter.
Les
minorités qui parlent le dari ne croient pas franchement à une possibilité de
réconciliation avec l’insurrection talibane à prédominance pashtoune, qui
bénéficie du soutien de l’armée pakistanaise et de ses services de
renseignements. Les chefs talibans de Quetta semblent calculer que la victoire
est à porté de main, et qu’il suffit simplement d’attendre le retrait programmé
des États-Unis en 2014.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur l'Afghanistan
PAKISTAN
Les
relations entre le Pakistan et les États-Unis n’ont fait que se détériorer
courant 2011, et le bombardement mortel et apparemment accidentel de soldats
pakistanais par l’Otan en novembre a transformé une relation pathétique en
hostilité quasi-ouverte. C’est en partie pour cette raison, mais aussi à cause
du soutien apporté par l’armée pakistanaise aux militants opérant en
Afghanistan, que les relations entre Islamabad et Kaboul se délitent.
Le
gouvernement élu a fait quelques progrès dans son rapprochement avec l’Inde,
évoluant vers une normalisation des relations commerciales. Mais le processus
reste otage du soutien constant par l’armée de groupes militants comme le
Jamaat-ud-Dawa, l’autre nom de Lashkar-e-Toiba, responsable des attentats de
2008 à Bombay. Un nouvel attentat terroriste pourrait conduire à une guerre
ouverte entre les deux adversaires, tous deux équipés de l’arme atomique.
Les plus
grands dangers auxquels est confronté le Pakistan ne viennent pourtant pas de
l’extérieur mais de l’intérieur. La transition de la dictature à la démocratie
n’est pas du tout consolidée, et l’armée contrôle encore certains secteurs
cruciaux de la politique étrangère et de la sécurité.
L’islamisme
radical déstabilise et parfois domine le pays, et les violentes attaques contre
d’éminents personnages politiques progressistes ébranlent le peu de confiance
restant que le Pakistan échappe à la catastrophe.
Pourtant il
reste un espoir, car le peuple ne soutient pas les islamistes radicaux et les
deux partis politiques susceptibles de remporter les élections présidentielles
de 2013 (si la transition démocratique n’est pas perturbée par l’armée) —le PPP
au pouvoir et le PML-N, dans l’opposition— ont la capacité et la volonté
politique de faire revenir le pays vers des rivages plus modérés.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur le Pakistan
YÉMEN
Le Yémen est
en équilibre, à la limite entre violent effondrement et mince espoir d’un
transfert paisible des pouvoirs. Sous la pression croissante d’acteurs
internationaux et régionaux, le président Ali Abdallah Saleh a enfin signé un
accord de transition le 23 novembre, par lequel il transférait
immédiatement son autorité au vice-président. Il doit quitter officiellement sa
fonction après les élections anticipées prévues le 21 février. C’est une
première étape importante, mais loin d’être suffisante pour régler les
problèmes du Yémen.
Il reste de
nombreux défis à relever: s’assurer que les signataires mettent en œuvre l’accord
de transition, s’attaquer de manière adéquate aux problèmes non encore résolus
de l’interventionnisme politique et à ceux de la justice, et améliorer les
catastrophiques conditions économiques et humanitaires.
En outre,
les tensions entre centres de pouvoir armés rivaux au Yémen, tout
particulièrement entre la famille de Saleh d’un côté et le général Ali Mohsen
al-Ahmar qui a fait défection et le puissant clan al-Ahmar (sans lien de
parenté) de l’autre, restent irrésolues et constituent un point d’ignition
potentiel vers de nouvelles violences. L’une des tâches les plus ardues de la
première phase de la transition sera d’assurer un cessez-le-feu durable, de
retirer tous les soldats et les membres des tribus armés des centres urbains et
de commencer une réforme significative de l’armée et de la police.
C’est une
tâche formidable, dans laquelle la communauté internationale aura son rôle à
jouer. Les menaces proférées par des membres du Conseil de sécurité de l’ONU de
sanctions ciblées contre Saleh et sa famille ont contribué à conduire certains
radicaux du régime à la table des négociations.
Maintenant
qu’un accord est signé, il faut pour qu’il soit mis en œuvre que la pression
vienne de toutes parts: de Saleh et de ses partisans d’un côté, et des partis
d’opposition et de leurs alliés de l’autre. Pour le moment, les soutiens se
sont unis autour du vice-président Abd-Rabbu Mansour Hadi, qui, selon les
termes de l’accord, sera le candidat du consensus lors des élections de
février. Il se peut qu’Hadi, personnage relativement neutre, encourage une
certaine mesure de compromis et de sécurité.
À
l’incertitude sur l’avenir du Yémen viennent s’ajouter les inquiétudes
suscitées par les activistes du sud, dont les exigences peuvent varier de
l’indépendance immédiate à la formation d’une fédération du Yémen du Sud et du
Nord, et par les rebelles houthis du nord du pays qui demandent plus de droits
pour leur communauté et un certain degré d’autonomie locale. Et tandis que les
politiciens négocient à Sanaa, les forces du gouvernement et les membres des
tribus locales sont engagés dans une lutte continuelle contre al Qaida dans la
Péninsule arabique dans le gouvernorat d’Abyan. La seule certitude est que la
lutte, pour le Yémen, perdurera bien avant en 2012.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur le Yémen
ASIE
CENTRALE
Plusieurs
États de la région ne survivent que par un pur hasard: leurs infrastructures
frôlent l’effondrement, leurs systèmes politiques sont dévorés par la
corruption et leurs services publics sont pratiquement inexistants. Par-dessus
le marché, le Tadjikistan, par exemple, doit affronter aujourd’hui des
insurrections à la fois locales et extérieures menaçant sa sécurité, ce qu’il a
à peu près zéro moyen de maîtriser. Pour ajouter aux malheurs du pays, ses
relations avec l’Ouzbékistan voisin n’ont jamais été aussi mauvaises. Leur
désaccord de longue date sur la gestion de l’eau ne semble pas près de se
résoudre et des accidents aux frontières menacent parfois de déclencher des
violences plus graves.
Pour ce qui
est de l’Ouzbékistan lui-même, si Washington s’appuie de plus en plus sur
Tachkent pour sa logistique en Afghanistan, la nature brutale du régime
signifie que c’est non seulement un partenaire embarrassant, mais aussi, au
final, qu’il est extrêmement peu fiable. Il y a déjà eu au moins un attentat
sur la voie de chemin de fer par laquelle transite le matériel américain dans
le pays. Vu que l’état des relations entre les États-Unis et le Pakistan semble
toucher le fond un peu plus chaque semaine, Washington estime probablement
qu’il n’a pas beaucoup le choix, mais il passe indéniablement de Charybde en
Scylla.
Et puis il y
a l’instable Kirghizistan. Faute de mesures rapides, véritables et complètes
pour réparer les dégâts provoqués par les pogroms ethniques dans le sud en
2010, le pays risque un nouveau cycle de violences collectives. Melis
Myrzakmatov, le maire ultranationaliste d’Osh [la deuxième ville du
Kirghizistan], qui a dans le passé revendiqué que les ordre de Bichkek ne
s’appliquaient pas à sa ville du sud, s’interroge sur la possibilité de créer
une police municipale indépendante du ministère de l’Intérieur et va sans nul
doute continuer à envoyer des coups de semonce au gouvernement central en 2012.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur le Tadjikistan,l'Ouzbékistan et le Kirghizistan
BURUNDI
Les
déclarations rassurantes du gouvernement de Bujumbura sonnent creux, alors que
la fin de l’accord d’Arusha, qui a mis un terme à la guerre civile en 2000,
associée à la dégradation du climat politique qui a suivi le boycott des
élections de 2010, a directement contribué à l’escalade de la violence et de
l’insécurité.
Les éléments
de l’accord de paix sont en train d’être démantelés un par un. La lutte pas
franchement dissimulée entre l’opposition et le parti au pouvoir, associée à
l’intensification de la répression du gouvernement, fait sans cesse de
nouvelles victimes depuis le scrutin de 2010.
Les médias
indépendants sont harcelés par les autorités qui commanditeraient des
assassinats ciblés. Dans le même temps, l’État est de plus en plus corrompu,
les indicateurs de gouvernance sont dans le rouge et la tension sociale
s’intensifie tandis que les conditions de vie se détériorent avec
l’augmentation du prix des produits de première nécessité. Si le gouvernement
ne prend pas des mesures pour inverser ces tendances, le Burundi pourrait
retomber dans la guerre civile en 2012.
» A
lire aussi: les articles de SlateAfrique sur le Burundi
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Joseph
Kabila a été réélu président et a prêté officiellement serment, mais il est
fort peu probable que ses opposants politiques s’en satisfassent, notamment les
partisans du candidat de l’opposition Etienne Tshisekedi. Les élections ont été
entachées de nombreuses irrégularités, et des bulletins pré-remplis ont été
signalés ainsi que des intimidations d’électeurs, des violences localisées, une
mauvaise gestion généralisée et des résultats bidons. La commission électorale
et la Cour suprême étaient elles aussi truffées de fidèles de Kabila, ce qui
rendait leur arbitrage sans valeur aux yeux d’une opposition en colère qui
pourrait se retrouver marginalisée pendant les cinq prochaines années si les
résultats des élections législatives sont truqués de la même manière.
L’impasse
électorale est le symptôme de tendances plus vastes. Au cours de ses cinq
années de pouvoir, Kabila a noyauté de nombreuses institutions nationales,
laissant à ses opposants peu de possibilités d’exprimer leurs griefs par des
moyens pacifiques. Les acteurs internationaux se sont aussi tranquillement
désengagés des affaires congolaises. Malgré la présence considérable de l’ONU
au Congo et l’implication des pays donateurs comme les États-Unis et la
Grande-Bretagne ainsi que de l’Union européenne, peu de choses ont été faites
pour surveiller la mainmise de Kabila sur le pouvoir.
Alors que
les appels à l’arbitrage international restent lettre morte à Kinshasa et dans
la plupart des capitales occidentales, les autorités électorales congolaises semblent
incapables de conserver un quelconque vestige de crédibilité aux résultats. Le
mandat illégitime de Kabila ne menace pas seulement la paix et la stabilité de
la RDC.
La réaction
en sourdine de la communauté internationale aux élections truquées, et
l’assentiment silencieux des dirigeants de la région augurent mal pour la
démocratie dans le reste du continent. Si seulement l’Union africaine
réagissait aux élections truquées avec l’indignation qu’elle réserve aux coups
d’État —après tout, il s’agit dans les deux cas de changements de gouvernement
inconstitutionnels— les politiciens y réfléchiraient au moins à deux fois avant
de frauder.
» A
lire aussi: les articles de SlateAfrique sur la
République démocratique du Congo
KENYA/SOMALIE
Il est trop
tôt pour dire si la campagne militaire récemment lancée par le Kenya dans le
sud de la Somalie va réussir à vaincre al-Shabaab —le groupe militant islamiste
formé pendant la fragmentation de l’Union des tribunaux islamiques, qui a
contrôlé presque tout le sud de la Somalie une partie de ces dix dernières
années— ou si elle se changera en conflit interminable et confus.
Maintenant
que le Kenya va faire partie de la mission de l’Union africaine en Somalie,
cependant, il semble y être installé dans la durée. Sa présence prolongée dans
le sud de la Somalie pourrait être très impopulaire, et les risques pour la
stabilité interne du Kenya sont tout à fait réels.
Dès le lancement
de la campagne à la mi-octobre, al-Shabaab a proféré des menaces de
représailles. L’éventualité d’une campagne d’attentats par al-Shabaab doit être
prise très au sérieux, et le malaise est tout à fait palpable à Nairobi. Fin
octobre, l’organisation s’est livrée à deux attentats à la grenade dans la
capitale contre des cibles kenyanes, pas occidentales. Un membre kenyan
d’al-Shabaab a été emprisonné pour ces attentats. Depuis, plusieurs incidents
se sont produits près de la frontière avec la Somalie.
Le Kenya
compte une population somalienne et plus largement musulmane considérable, dont
beaucoup voient d’un mauvais œil la campagne militaire en Somalie, d’autant
plus qu’elle est associée à la lutte antiterroriste occidentale. Le risque est
grand que la campagne militaire n’exacerbe une radicalisation déjà inquiétante
au Kenya, tout particulièrement si elle tourne mal et que le nombre de victimes
civiles augmente.
En réponse
aux menaces d’attentats d’al-Shabaab sur son sol, le gouvernement kenyan a organisé
un coup de balai massif dans les zones à majorité somalienne, afin de se
débarrasser des partisans du groupe islamiste. Si la police et les forces de
sécurité ont la plupart du temps fait montre de maîtrise, les dirigeants locaux
dans la région frontalière du nord-est accusent déjà l’armée d’avoir fait un
usage excessif de la force.
Le vrai test
aura lieu si al-Shabaab organise un grand attentat sur le sol kenyan. Il est à
craindre que cela déclenche une répression draconienne des Somaliens du Kenya,
ce qui aurait de graves conséquences sur les relations intercommunautaires, la
cohésion et l’harmonie sociales, surtout avant les élections présidentielles de
cette année, les premières depuis le scrutin de 2007 et ses violences ethniques
généralisées.
» A
lire aussi: les articles de SlateAfrique sur le Kenya et la Somalie
VENEZUELA
Le taux
d’homicide du Venezuela figure parmi les plus élevés de l’hémisphère —deux fois
ceux de la Colombie et trois fois ceux du Mexique— ce qui a pourtant largement
échappé à l’attention du reste du monde. Ces chiffres augmentaient déjà avant
que Hugo Chávez n’arrive au pouvoir. Ils ont monté en flèche sous ses
12 années de mandat, passant de 4.550 en 1998 à 17.600 l’année
dernière. Les victimes sont principalement des jeunes hommes pauvres —parfois
tués simplement pour un téléphone portable, pris sous la mitraille de bandes
rivales ou même abattus sommairement par les forces de sécurités.
La violence
criminelle ne s’est pas encore infiltrée dans la politique du pays, mais
certains signes avant-coureurs des élections présidentielles de l’année
prochaine sont de mauvais augure. Le régime lui-même a armé des milices civiles
locales pour, dans ses propres termes, «défendre la révolution».
Pour
l’instant, il a échoué à vaincre la corruption au sein des forces de sécurité
ou à mettre un terme à leur complicité avec les criminels. Se procurer des
armes est facile —plus de 12 millions d’armes seraient en circulation dans
un pays ne comptant que 29 millions d’habitants. L’impunité est un vecteur
majeur de violence, et l’indépendance judiciaire est érodée par des attaques
continuelles du gouvernement. Selon certaines estimations, moins d’une enquête
de police sur dix débouche sur une arrestation.
Chávez n’a
pas encore de rival clair pour la présidence, et nul ne sait quel espace
politique sera accordé aux candidats dans la course à la présidentielle. Mais
sachant que la santé déclinante du président ajoute une dose d’incertitude
considérable, qu’il existe une farouche inimitié entre lui et certains leaders
de l’opposition et que la société vénézuélienne est polarisée, militarisée et
manque de mécanismes institutionnels de résolution des conflits, l’année
prochaine pourrait bien s’avérer compliquée.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur le Venezuela
Et
maintenant les bonnes nouvelles. Voici deux pays pour lesquels 2012 semble
s’annoncer relativement bien.
La victoire
du parti islamiste modéré Ennahda lors des élections d’octobre est une victoire
pour la démocratie. Bien sûr, nul ne doit sous-estimer les défis majeurs
auxquels la nation est encore confrontée. La menace de violence est
persistante, que ce soit de la part d’agents provocateurs décidés à discréditer
Ennahda, de salafistes plus radicaux marginalisés par la victoire d’Ennahda ou
de villes ouvrières de l’intérieur du pays, largement mises sur la touche
depuis la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali et dont la situation
économique, sociale et sécuritaire ne cesse de s’aggraver.
Bien que
faibles, des vestiges de l’ancien régime présents dans certains ministères et
dans l’Assemblée constituante pourraient encore jouer un rôle d’empêcheurs de
danser en rond. Certaines nouvelles élites du monde des affaires ne semblent
que trop pressées d’adopter les mauvaises pratiques de leurs prédécesseurs. Le
nouveau gouvernement devra se hâter de se sortir des querelles sur les détails
de la transition —pouvoirs du Premier ministre, réforme constitutionnelle et
nouvelles élections— pour se concentrer sur l’inversion du déclin
économique du pays et s’attaquer à la corruption et au chômage.
Ceci dit,
après avoir organisé les premières élections libres et compétitives après le
printemps arabe—d’une manière relativement transparente et dans une ambiance
enthousiaste— il est clair que les Tunisiens ont déjà de quoi être très fiers.
Si la relative stabilité et l’évident progrès du pays pouvaient servir de
modèle au reste de la région, cela ne pourrait être que très positif.
» A
lire aussi: les articles de SlateAfrique sur la Tunisie
MYANMAR
(BIRMANIE)
Le
gouvernement est en train de tenir ses promesses de réforme: l’armée s’est
dégagée du premier plan de la politique; personnage-clé de l’opposition, Aung
San Suu Kyi a été libérée, elle interagit avec le gouvernement au plus haut
niveau et doit concourir aux prochaines élections; beaucoup d’autres
prisonniers politiques ont eux aussi été libérés; les débats au parlement sont
plus animés et sont même retransmis à la télévision; et certains sites Internet
autrefois interdits ont été débloqués.
2012 sera
l’occasion, pour ce pays qui souffre depuis si longtemps, de continuer à aller
dans la bonne direction.
Le monde
extérieur, tout particulièrement l’Occident, doit réagir en s’engageant plus
loin et en abandonnant les sanctions contre-productives qui ont nui aux
populations civiles sans contribuer à faire relâcher l’emprise de la junte sur
le pouvoir. La visite de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton au
Myanmar début décembre était le bon geste au bon moment, mais ce n’était pas
suffisant.
Les
prochaines démarches importantes à attendre du régime sont la libération de
tous les prisonniers politiques restants, le vote d’une loi sur les médias
réduisant la censure et la signature de cessez-le-feu avec les groupes
ethniques armés, ce qui constituerait un pas décisif vers la fin des abus de
l’armée dans ces conflits frontaliers.
» A
lire aussi: les articles de Slate.fr sur la Birmanie
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