L’hypothermie
est modérée entre 32°C et 35°C, importante entre 28°C et 32°C et sévère en
dessous de 28°C. En dessous de 20°C, la survie est rare.
Températures «sibériennes».
Depuis quelques jours, l’adjectif est sur toutes les lèvres gercées. Cette
vague de froidtouche
toute la France, la Suisse mais aussi le reste de l’Europe. En Pologne, en
République tchèque et en Slovaquie, de nombreuses personnes en sont mortes.
En novembre,
deux alpinistes avaient péri de froid dans le massif du Mont-Blanc. La mort par
hypothermie effraie, bouleverse et interroge. Que se passe-t-il
physiologiquement lorsque le froid est si intense qu’il nous fait perdre la
vie? Le Dr Mauro Oddo, médecin adjoint au Service de médecine intensive adulte
au CHUV, spécialiste des questions de régulation et de modulation thermique
chez l’homme nous l’explique:
«L’exposition
prolongée à de très basses températures provoque un stress à la fois
métabolique et psychologique important. Le corps lutte contre la sensation de
froid, tandis que la victime angoisse à l’idée de ne pas être secourue et de
mourir.»
En raison de
cette phase de stress intense, la mort par hypothermie ne saurait être
qualifiée de douce ou de paisible, même si la victime, de moins en moins
réactive, s’endort progressivement.
Une mort
accidentelle
L’hypothermie
dite «accidentelle» est un risque lié à la haute montagne, aux naufrages (en
mer ou dans un lac), mais pas seulement. Elle survient aussi en milieu urbain,
intimement liée alors à la précarité sociale. Les personnes âgées, celles qui
abusent de substances (drogue, alcool), les patients atteints de troubles
psychiques, les sans domicile fixe ou encore les fêtards ivres qui s’endorment
sur le trottoir y sont particulièrement exposés.
«La prise
en charge, au même titre que les conséquences de l’hypothermie dépendent des
conditions climatiques, de la sévérité et de la durée de l’hypothermie ainsi
que de l'état de santé général du patient», explique le Dr Oddo. La
température normale du corps humain se situant entre 35 et 37° Celsius, l’état
d’hypothermie est déclaré en dessous de 35° C. L’hypothermie est modérée entre
32°C et 35°C, importante entre 28°C et 32°C et sévère en dessous de 28°C. En
dessous de 20°C, la survie est rare, mais des cas de survie ont été reportés
chez des sujets jeunes hypothermes à 17°C.
Comment
le corps tente de vaincre le froid
Pour lutter
contre le froid, le corps active en premier lieu ses défenses thermorégulatrices:
frissons, chair de poule, dents qui claquent, augmentation de la pression
artérielle, des fréquences cardiaques et respiratoires et vasoconstriction (le
sang est envoyé vers le cœur pour préserver les organes vitaux), expliquant les
extrémités froides, pâles, voire bleutées.
Les défenses
thermorégulatrices, notamment les frissons, augmentent le métabolisme de
manière importante, entraînant une grande fatigue et un épuisement progressif.
La capacité de l’organisme à retarder l’entrée dans un état d’hypothermie
modéré ou avancé, autrement dit la résistance au froid, dépend essentiellement
des conditions du milieu (altitude, humidité, eau froide, température, vent,
possibilité de s’abriter, de se mouvoir, etc...) et des ressources personnelles
(l’état de santé, la condition physique, la présence de lésions associées comme
des fractures par exemple, l’âge, etc...).
«Les
personnes âgées, les malades chroniques, celles qui sont intoxiquées à des
médicaments, qui abusent de l’alcool ou de drogues sont beaucoup moins en
mesure de déployer ces réponses et vont souffrir plus rapidement du froid»,
précise le Dr Oddo. «En haute montagne, l’impossibilité de s’abriter
correctement, le contact direct avec la neige et l’humidité précipite bien
souvent l’entrée en hypothermie», poursuit Dominique Michellod, guide et
ambulancier à la Maison François-Xavier Bagnoud du sauvetage à Sion.
Car peu à
peu, les défenses thermorégulatrices s’épuisent. Les réflexes diminuent, les
fréquences cardiaque et respiratoire baissent, les pupilles se dilatent, le
corps ne frissonne plus. En état d’hypothermie légère et modérée déjà, l’état
de conscience commence à s’altérer allant d’une simple baisse de la vigilance à
un état léthargique.
Plus l’état
d’hypothermie est profond, plus le cerveau et le système cardio-circulatoire
sont menacés, avec le risque de complications cardiaques (troubles du rythme,
fibrillation ventriculaire), de troubles de la coagulation (saignements), etc.
A terme, la victime cesse de respirer, son cœur ne bat plus, son activité
cérébrale ralentit, ses pupilles ne sont plus réactives et le coma survient.
Les risques de complications cardiaques fatales sont alors élevés.
L’intervention
rapide des secours est donc capitale. En premier lieu, on cherchera à extraire
le plus rapidement possible les victimes du milieu hostile pour les amener dans
une ambiance tempérée et les protéger du froid, en les recouvrant de
couvertures isolantes. Le plus important est ensuite de réchauffer d’abord
l’intérieur (le «core») avec des perfusions ou des liquides chauds par exemple,
et ensuite seulement les parties externes.
En effet, on
veut éviter à tout prix que le sang froid de la périphérie n’atteigne les
organes vitaux, qui eux sont encore froid, pour ne pas augmenter le risque
d’arythmies. L’objectif est d’atteindre rapidement une température supérieure à
34°C. En cas d’hypothermie sévère, le réchauffement est effectué par mise en
place d’un système de circulation extra-corporelle, comme celui employé pour la
chirurgie cardiaque.
A savoir
qu’une température corporelle inférieure à 32°C fait déjà courir un risque
vital, essentiellement à cause du danger d’arythmie maligne, pouvant entraîner
un arrêt cardiaque. Mais, selon les circonstances, on peut sortir indemne et
sans séquelle d’une hypothermique sévère. Car l’hypothermie a un effet
neuroprotecteur. C’est la raison pour laquelle, selon la situation clinique,
les médecins, avant de déclarer le décès d’un patient en hypothermie, procèdent
à différents examens et, surtout, le réchauffent.
Elodie
Lavigne
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