Notre corps
est doté de différents mécanismes qui lui permettent de réguler ses échanges
thermiques en période de grands froids. Ils ne suffisent pas toujours à
prévenir des accidents plus ou moins graves.
Les grandes lois darwiniennes de
l’évolution veulent que l’homme apparaisse débarrassé des outils pileux
protecteurs de l’espèce des mammifères; exception faite des cheveux, de la
barbe, des moustaches et des poils pubiens. Pour survivre au froid Homo
sapiens sapiens a emprunté les fourrures du produit de ses chasses,
capturé le feu, appris à tanner du cuir. Sortant des cavernes il a construit
des maisons, maîtrisé le charbon, le gaz et l’électricité, inventé les
cheminées, les chaudières, les radiateurs et l’air pulsé. Aussi devait-il
devait découvrir la couche d’ozone peu avant la taxe carbone.
Mais les
vagues hivernales de grands froids demeurent. Et fort heureusement l’organisme
humain conserve (héritage actualisé des ses lointains ancêtre mammifères)
plusieurs mécanismes de régulation des échanges thermiques. Ces mécanismes
physiologiques sont dits «endogènes thermorégulateurs». Ils mettent en jeu les
systèmes nerveux, endocrinien, cardiaque et respiratoire. Au repos quand tout
va bien ils entrent en action dès que la température ambiante baisse; du moins
quand elle devient suffisamment basse pour entraîner une diminution de la
température corporelle centrale en dessous des 37°C.
On observe
alors l’apparition d’une vasoconstriction cutanée,
un phénomène qui permet d’isoler les tissus périphériques du «compartiment
central». Ce resserrement du diamètre des vaisseaux périphériques a très
rapidement pour effet de créer un gradient thermique entre la peau et les
viscères profonds (cœur, cerveau, reins). Cette vasoconstriction s’accompagne
d’une hypertension artérielle et d’une augmentation du tonus
sympathique (les spécialistes parlent aussi de système nerveux
autonome).
Ceci se
traduit immédiatement par une accélération du rythme cardiaque. La
redistribution du sang circulant vers les organes est alors à l’origine d’une
augmentation du secteur intravasculaire, ce qui aboutit à une hémoconcentration.
En clair: une augmentation de la concentration plasmatique de 10% des globules
rouges et blancs, des plaquettes, mais aussi du cholestérol et du fibrinogène.
Conséquence: une augmentation de la viscosité sanguine autour de 20%.
Sous l’effet
du froid vous tournez sans le savoir le bouton de votre thermostat interne ce
qui conduit aussitôt à une aggravation assez notable de la facture énergétique
(les spécialistes parlent d’une augmentation de la thermogenèse).
Votre activité cardiaque augmente ainsi que vos besoins cardiaques en oxygène.
A ce stade
deux solutions pour augmenter la production de chaleur. Soit vous
choisissez d’augmenter votre activité musculaire squelettique (plaisir
assuré une fois la période d’échauffement terminée). Soit vous
intensifiez (généralement inconsciemment) votre métabolisme. Le tissu adipeux
brun et certaines hormones participent à alors l’augmentation du métabolisme
énergétique. Ce sont les hormones thyroïdiennes, les catécholamines
(adrénaline), les glucocorticoïdes et le glucagon.
Fruits,
comme l’indique leur nom, de l’activité de votre glande thyroïde, vos hormones
thyroïdiennes interviennent tout particulièrement dans votre acclimatation au
froid. Sur l’autre fléau de la balance on observe une diminution des mécanismes
inverse (la thermolyse) et notamment de la transpiration.
On comprend
mieux, dès lors en quoi le froid peut être dangereux pour la santé: les effets
néfastes apparaissent dès que le système thermorégulateur est déficient ou dès
lors que le stress thermique est trop important. C’est ce que vient de rappeler
sur son site le ministère français de la santé avec d’autant plus de pédagogie
que face à la vague de froid le pouvoir central fait tout aujourd’hui, en
France, pour ne pas être accusé, demain, de ne pas en avoir fait assez.
Effets
cardiovasculaires
Nous avons vu
que le froid induisait vasoconstriction, augmentation de la pression artérielle
et hémoconcentration à l’origine d’une hyperviscosité sanguine. Tous ces
phénomènes peuvent aboutir à une rupture des plaques d’athérome préexistantes
et ainsi favoriser l’apparition d’une thrombose artérielle. «A partir de la
fissuration de la plaque survient une agrégation de plaquettes et la formation
d’un thrombus blanc, précise-t-on auprès du ministère français de la santé. Le
thrombus ainsi formé rétrécit la lumière de l’artère et entraîne alors une
sténose plus ou moins serrée de cette artère. De plus, la concentration sérique
de la protéine C anticoagulante n’est pas augmentée (contrairement aux éléments
figurés du sang), ce qui favorise le risque de thrombose, en particulier chez
le sujet âgé.»
Que se
passe-t-il au niveau des artères coronaires? Le spasme lié au froid associé à
une éventuelle thrombose et à l’augmentation des besoins en oxygène du myocarde
favorisent, chez le sujet à risque, la survenue ou l’aggravation d’une angine
de poitrine, voire d’un infarctus du myocarde en cas de sténose complète. Les
spécialistes estiment qu’environ la moitié de la surmortalité hivernale est
attribuable à la thrombose coronaire.
Il y a
certes le cœur, il y a aussi le cerveau. Et, les mêmes causes (hypertension
artérielle, hyperviscosité et thrombose) produisant des effets semblables, le
froid intense peut être à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux, en
particulier de type ischémique. Les personnes à risque sont celles souffrant
d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie. Enfin au niveau de la
circulation sanguine périphérique, la vasoconstriction liée au froid favorise
la survenue de crises vasomotrices chez les patients présentant un acrosyndrome
(ou syndrome de Raynaud).
Effets
respiratoires
On sait que
les maladies respiratoires sont plus fréquentes lors des hivers froids. Pour
autant on ne connait pas toujours précisément les causes de ce phénomène. Deux
facteurs semblent l’expliquer en partie. D’une part, l’inhalation d’air froid
entraîne un refroidissement de la muqueuse des voies respiratoires supérieures,
ce qui tend à inhiber les mécanismes de lutte contre les infections (comme la
clairance muco-ciliaire et l’activité de phagocytose des leucocytes). D’autre
part, la tendance à la concentration de la population dans des espaces confinés
et peu ventilés augmente très nettement le risque d’infections croisées.
L’hypothermie
Cette baisse
de la température interne du corps (les mécanismes de thermorégulation ont
failli) constitue (avec les gelures) la pathologie la plus directement liée aux
basses températures atmosphériques. «Cependant, les décès par hypothermie
sont peu nombreux, assure le ministère français de la santé. Le
risque de décès dus au grand froid (ou l’aggravation de pathologies existantes
conduisant parfois au décès) concernent principalement les cardiopathies
ischémiques, les accidents vasculaires cérébraux et les infections
respiratoires». Ce sont là les causes principales de la surmortalité observée
en hiver; une surmortalité qui touche préférentiellement les plus pauvres et
les plus fragiles. Une raison supplémentaire de faire preuve, sinon de charité,
du moins de solidarité.
Jean-Yves
Nau
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